lundi 24 janvier 2011

Le mioche

Moi, moche et méchante. Toujours une critique à faire, pas de compliments gratuits, pas de patience, aucune qualité requise par le travail d’équipe. Adepte d’une discrétion à outrance, de l’intolérance (car je ne crois pas à la tolérance forcée), rarement contente des autres, jamais contente de moi-même. Me demandant toujours comment faire fortune, car chaque jour, paraît-il, des individus isolés parviennent à résoudre ce problème insoluble : commerciaux de banlieue, marchands de produits minceur, requins de la finance, détenteurs du record X, gigolos.
Sans jamais être fatiguée, car je n’ai pas la notion de l’épuisable. En mode « bouclier ». Ou bulldozer, comme l’ami Karl dirait. Je n’éprouve aucun plaisir à écraser des gens, mais mieux vaut ne pas être sur le chemin.

Bien. Voilà. Toute cette laideur disparaît quand ELLE arrive. Elle a voulu me taper avec le bâtonnet d’une sucette Chupa Chups. Marche à peine, en parlant dans une langue qui m’est complètement étrangère. Elle s’en fout de savoir si j’ai bien administré mon budget pour le mois en cours, si mon fond de teint assèche ma peau, si je suis en couple avec X ou j’ai des vues sur d’autres. Si j’ai pris/perdu un kilo, pourquoi je n’ai pas répondu aux sms, pourquoi je ne me suis pas connectée sur FB depuis une semaine.
Tout ce qu’elle veut, c’est de lui faire la lecture. De la prendre dans mes bras, de jouer avec ses deux chats couleur vanille, de me cacher derrière le nain de jardin pour faire BOW après, d’imiter la voix du Petit Chaperon Rouge.

Inutile de vous dire que le poids d’une bouteille de Coca 50cl, c’est trop pour elle. Elle perd son équilibre, quoi (déjà précaire). Nous sommes complices, si vous saviez à quel point nous sommes complices : secrets, manger du chocolat en cachette, porter les chaussures à talons de maman… Toute une histoire. Bien sûr, cette complicité est doublée d’une exclusivité : Bia (moi-même) est devenue sa propriété, je fais ce qu’elle veut, quand elle veut, comme elle le veut. Quand je suis avec elle, je ne suis qu’avec elle.

Je vous décris ma nièce, Alexia, avec une maladresse terrible. Quand quelqu’un nous sensibilise, quand nous aimons, nous sortons de cette logique de performance, de contrôle. L’ironie, les objectifs, les calculs –c’est fini. Le mioche m’a eue. Grâce à ses boucles blondes, à son innocence, à son bégaiement.


Je l’ai décrite comme je l’avais laissée à 1 ans, en 2007, quand j’ai quitté la Roumanie pour mes études. Cette semaine, elle fêtera ses 5 ANS. Tout aurait pu continuer ainsi. J’aurai pu rester là toute ma vie.

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