dimanche 24 juillet 2011

La pluie et l’émancipation de mon âme

La pluie connaît bien l’art de donner. J’aime son spectacle, sa chorégraphie. Mes yeux se régalent, mon nez (l’odeur de la terre- après-pluie), mes oreilles, mes pieds nus.

Je me trouve assez lâche dans notre relation, je m’explique. Ma plus grande joie est de la voir sur les vitres de la voiture, sur mes fenêtres, quand je suis à l’abri. Cette fichue obsession d’être à l’abri ! Comme ça, je profite de sa beauté, j’y retrouve mon compte, mais je ne donne rien en échange (car je ne quitte pas ma zone de confort). Injuste, trop.

Je lui reproche une seule chose : elle écoute plus ou moins à une saisonnalité, donc elle ne me garantit pas d’être là tout le temps ou bien quand j’en aurais envie. Injuste, aussi. Parce qu’elle m’inflige le manque, alors que je l’aime. Et « aimer c’est bien, mais il faut aussi qu’on vous aime quand vous voulez qu’on vous aime » (Karl). Ca c’est encore autre chose.

Emancipation de mon âme, en images et son (d’avoine, aidé par la pluie).

dimanche 17 juillet 2011

Omar Boughardayan, tel que nous ne le connaissons pas

Il arrive souriant, les yeux qui pétillent, prêt à me laisser entrer dans son intimité. J’ai une ou deux questions à lui poser, le reste est l’œuvre de son ouverture, de son désir de partage. Je suis plutôt habituée à donner des interviews, donc me voici prisonnière d’une émotion, d’une maladresse inconnue. J’avais des appréhensions quant au résultat, quant à la forme. Je ne voulais surtout pas le décevoir. Nommez- moi « ringarde », j’ai adoré cette découverte d’un homme riche, simple, dans le vrai.

Tous les jours à l’ISEG, c’est lui qui ouvre, c’est lui qui ferme. Il y a beaucoup qui le traitent de « pilier » de l’institut. Arrivé en France le 16 février 1991, Omar ne fait partie du Groupe Ionis que depuis 2003. Il était le couteau suisse des anciens locaux (Rue du Général de Castelnau), il l’est toujours dans l’ancien hôtel Livio, Rue du Dôme. Vous voyez, le temps passe, des Iségiens reçoivent leurs diplômes à Paris, Omar ne bouge pas. Parce qu’il ne le veut pas : « On reste jeune quand on est parmi des étudiants. Je veux de cette jeunesse, Bianca. Toujours, toujours ! »

Ce qu’il aime le plus, c’est de parler avec tout le monde. De la 1ère à la 5ème année, il échange des idées (me fait-il savoir) sur les études en priorité, sur la crise économique, sur la culture générale et sur le football. Nous concluons qu’Omar lit les actus, qu’il aurait beaucoup de choses à nous apprendre, tout en étant un fervent supporter du Racing, de l’OM et, bien sûr, des Bleus. J’ai eu des échos, comme quoi il jouait très bien aussi. Je vous défie donc d’être ses adversaires tous les week-ends, au stade de l’ASPTT de Koenigshoffen.

Notre gardien du temple parle ouvertement sur ses deux cultures, berbère et arabe. Il se méfie des amalgames et m’explique qu’il est berbère avant d’être arabe : « A la maison, nous parlons le berbère, J’ai appris le français au Maroc. » J’ai évité d’être trop envahissante sur cet aspect, je l’ai laissé dire ce qu’il voulait que nous sachions.  Voici la définition d’une belle personne pour lui : «  Quelqu’un qui a le sens de la justice, du partage et qui respecte la parole donnée. C’est très important, hein ! (les yeux grand ouverts) » Très beau surtout, j’acquiesce. Il est pédagogue et me donne tout de suite un exemple concret : «  Vous voyez, Bianca, si je dis à ma femme que je lui achèterais un cadeau si j’avais la prime de Noel, il faut absolument que je le fasse ! ».

Omar s’avère aussi un fin analyste des comportements. Les sourcils froncés, il me laisse savoir qu’ « il y a beaucoup de gaspillage-papier en salle info et que les gens n’éteignent pas toujours la lumière quand ils partent. » Il nous apprend aussi que les filles fument plus que les garçons, « 1 garçon pour 3 filles, donc 2 garçons – 6 filles. » Il est matheux. Mais les Iségiennes travaillent plus que les Iségiens, faut dire. « Les filles ont le stress. J’ai vu des garçons qui allaient faire les soldes aux Halles pendant que les filles de leur équipe bossaient. »

Me dit, en souriant, que certains gens de l’institut le respectent, d’autres l’aiment. « Je fais partie de quelle, catégorie, Omar ?»/ « Vous, Bianca, vous m’aimez. » J’acquiesce de nouveau. Pour finir, je le prie de me sortir des métaphores de la culture arabe que j’admire tant. Je vous laisse, chers lecteurs, sur ces mots de sagesse : « L’amour de la femme nous rend aveugles. L’amour du pouvoir nous rend cruels. L’amour de l’argent nous rend corrompus. Mais l’amour de la science nous rend des hommes sages. » Et n’oubliez pas, « On ne construit pas une maison sur des sables mouvants. »


samedi 16 juillet 2011

Bianca, esa gitana morena

Amigos, que calor!
En ce moment même, Strasbourg accueille le Festival « Michto » faisant honneur aux Rroms/Gitans/Manouches/Nomades/Gens du voyage et j’en oublie. Rendez-vous Place du Château pour 2 jours de musique gitane (Kanélé), des danses traditionnelles de Rajasthan,  une visite des deux caravanes mises en place et une exposition de tableaux sur le génocide tsigane durant la Seconde Guerre Mondiale.

Je suis Roumaine, donc je connais très bien ces gens-là. Ils sont la minorité la plus visible de chez nous, je vous parle donc d’une co-culture. Certains vivent dans la précarité, volent des poules, travaillent le fer, mendient, lisent les lignes de la main. JE LE SAIS. Mais pas tous, méfions nous des amalgames.
Le festival « Michto » (michto = beau, cool, sympa) a pour but de mettre nos préjugés dans le placard !

Je suis, à vie et sans l’avoir  cherché, liée à la culture tsigane. Parce que j’ai grandi avec la musique de Gipsy Kings (« Bamboleo », « Djobi Djoba », « Volare » , « Baila me »)  Parce que ma mère a été dans l’impossibilité de m’allaiter pendant mes 3 premières semaines de vie. Ce fut une gitane qui l’avait fait à sa place. Les paroles de ma mère : « Cette femme t’a transmis ton côté passionnel, ta dose d’impatience, ton goût pour tout ce qui est bohème, ta passion pour la danse. »

C’est vrai, la danse m’habite, j’aime le violon, j’éprouve un plaisir unique de marcher pieds nus. Je mets souvent une fleur dans mes cheveux. Mais chhht, pieds nus + fleur sont pour la Roumanie, la France me dirait que ce n’est pas assez bobo.



Je suis fière de porter cet héritage qui a certainement bâti mon tempérament volcanique. Qu’est-ce qu’ils ont fait, les Tsigans, pendant la Seconde Guerre Mondiale ? Ils ont dansé.
Danser en temps de guerre, c'est comme cracher à la gueule du diable.(Hafid Aggoune)



Extrait de la littérature manouche : « Si vous prenez un moineau et le mettez en cage, il ne restera pas en cage. C’est impossible, il va mourir. Et bien, voilà comme on est !"


dimanche 10 juillet 2011

Hôtel Mabrouk

Mardi dernier, j’ai reçu des roses. Nous sommes dimanche, elles ont fané. Je n’ai été même pas capable de m’en occuper. J’ai souvent cette attitude, d’observer qu’un bidule meurt et ne rien faire.
Car je suis une NON-couleur.

Mon vase fut leur hôtel Mabrouk. Elles n’y éprouvaient ni joie, ni tristesse, ni même ennui. Il leur arrivait pourtant de se demander si l’eau était toujours là, si elles existaient encore, vraiment. Il leur semblait souvent, obscurément, que cette vie était conforme, adéquate et, paradoxalement, nécessaire.

Hôtel Mabrouk, sable jaune, rues rectilignes, parfums orientaux. Les méconnaisseurs s’y perdent.

Leur solitude était totale. Marhaban bikoum!

jeudi 7 juillet 2011

La phrase qui explique tout

Je l’ai enfin trouvée. Un grand merci à Franz Kafka.

« Les choses se passaient en réalité comme dans ce jeu d’enfants où l’un tient la main de l’autre, la serre même et s’écrie en même temps : « Mais va-t’en donc, va-t’en donc, pourquoi ne pars-tu pas ?
Ce qui, dans notre cas, se compliquait encore de la sincérité avec laquelle tu disais depuis toujours « Va-t’en donc ! » »

C’est tout, je suis enrhumée, mes idées saignent du nez.

dimanche 3 juillet 2011

Sa place, ma place, la balance

Hier - journée riche. J’ai été faire mes courses à Auchan.
Un monsieur voulait peser ses pommes, je fis un pas ferme pour lui montrer que j’étais là avant lui. « Mademoiselle, je ne prends la place de personne. Déjà, je n’ai pas la mienne. »
Inutile de vous dire que j’étais charmée. Pas de précédents pareils devant une balance. Ce monsieur était aussi le sosie d’Assaad Bouab, donc j’aurais bien voulu l’aider à trouver sa place ou camionner la mienne dans son « n’importe où ».

Certains sont mariés et cela leur prend tout le temps. Certains sont en fac de médecine, d’autres aiment les commérages – des êtres tout aussi occupés. Mon personnage était juste persuadé de ne pas avoir sa place. Ai-je demandé son numéro de téléphone ? Non. Ai-je lancé une invitation à boire un thé glacé ? Non. Je lui ai donc arraché deux chances d’avoir une place : dans mon univers et/ou une assise confortablement.

J’ai le « pourquoi » de ma place à moi : tout est lié à mon prénom – Bianca, la blanche. Le blanc est la sensation visuelle obtenue en mélangeant la lumière de toutes les couleurs. Donc je ne peux naître sans les autres. Non-couleur. Déni. Dépendance. Passages.

Quand fond la neige, où va le blanc ?